Chaque Granvure à la Main a une Histoire à Raconter

L’apparition d’ateliers d’imprimerie dans les collectivités des Territoires du Nord-Ouest (TNO) redonne vie à cet art passionnant qu’est la gravure. L’atelier Sambaa K’e, à Trout Lake, utilise diverses techniques de gravure intéressantes et uniques, notamment le gyotuku (la réalisation d’empreintes de poissons japonaises). Des expositions et des ateliers y sont régulièrement organisés. Des imprimeurs individuels, qui travaillent chez eux et jouent avec des techniques et des styles contemporains, créent des oeuvres exceptionnelles dans la capitale des TNO, Yellowknife.

En 1957, James Houston a fait découvrir la gravure à la petite collectivité de Cape Dorset, dans l’est de l’Arctique. Il a adapté les principes de la gravure sur bois japonaise à la pierre, matériau facilement accessible. Cette technique s’est rapidement répandue dans d’autres collectivités de l’Arctique. L’utilisation de la pierre de cette manière était propre au Grand Nord canadien. Les Inuits ont adopté cette forme d’art contemporaine pour raconter leurs histoires et exprimer leur culture, et c’est avec grand enthousiasme que le marché artistique a accueilli leurs œuvres.

Les premières gravures inuites, qui ont fait leur apparition dans les marchés du Sud en 1959, ont enchanté les acheteurs canadiens et internationaux. La riche diversité de l’imagerie, allant de la narration à l’illustration, en passant par la pure imagination, était le reflet du mode de vie présent et passé des Inuits. Les gravures révélaient une toute nouvelle façon de percevoir et d’utiliser l’espace; on y retrouvait des thèmes évidents de chamanisme et des représentations de la faune nordique, sujets exotiques et fascinants pour le public nord-américain et européen.

Holman Eskimo Co-operative, Territoires du Nord-Ouest

Dans la collectivité éloignée de Holman (à présent connue sous le nom d’Ulukhaktok), le père Henri Tardy, un oblat de Marie Immaculée, voulait monter un projet lucratif pour ses paroissiens inuvialuits. En 1961, il participe à la mise sur pied de la Holman Eskimo Co-operative et encourage les futurs artistes à y commencer leur démarche de création. En 2008, la Société d’investissement et de développement est créée et commence à exploiter le centre des arts d’Ulukhaktok.

Les artistes de Holman font d’abord des essais au moyen de pochoirs en peau de phoque qu’ils rasent avec la lame du rasoir du père Tardy. En 1963, la coopérative envoie les dix premières gravures au pochoir au Conseil canadien des arts esquimaux à des fins d’évaluation. L’année suivante, Affaires du Nord envoie Barry Coomber à Holman pour enseigner des techniques de gravure sur pierre, le style de gravure rendu populaire par les graveurs formés par M. Houston en 1957. On peut facilement trouver de la pierre à Holman et elle est beaucoup plus facile à travailler que la peau de phoque.

En 1965, Helen Kalvak, Victor Ekootak, Jimmy Memorana, Harry Egotak et William Kagyut créent la première collection annuelle d’estampes de Holman. Regroupant 30 gravures à tirage limité, cette collection a connu un succès commercial et artistique immédiat. Au fil des années, les artistes ont intégré différentes techniques de gravure dans les collections annuelles de la Holman Eskimo Co-operative.

De 1965 à 1976, on utilise exclusivement la méthode de gravure sur pierre. Les estampes les plus anciennes présentent des formes grossières et une seule couleur vive, par exemple du rouge, du bleu, du noir ou du brun. John Rose, qui dirigeait un atelier de gravures, introduit la lithographie en 1977, et la gravure au pochoir en 1980. On fait l’essai de la gravure sur bois dans les années 1980, mais cette technique s’avère impossible à pratiquer. Depuis 1986, les collections d’estampes comprennent des œuvres au pochoir et des lithographies.

En 2001, le Musée des beaux-arts de Winnipeg a abrité l’exposition Holman : Quarante ans d’art graphique, en l’honneur d’un groupe d’artistes et de leur travail absolument remarquable. Une exposition virtuelle a été créée à partir de l’exposition. On peut la voir au www.virtualmuseum.ca/Exhibitions/Holman

Le centre des arts d’Ulukhaktok n’a produit aucune collection annuelle de gravures depuis 2000, mais ses artistes créent et vendent toujours des estampes aujourd’hui et espèrent pouvoir très bientôt mettre sur pied une telle collection qui serait présentée dans le monde entier.

Technique de gravure

La gravure est un processus collaboratif. L’artiste, le graveur et le conseiller artistique travaillent de concert pour créer, choisir et produire les œuvres. La totalité du procédé de création d’une gravure se fait à la main, de la préparation des matériaux à l’apposition de la signature, en passant par l’application de la couleur.

La signature se compose du prénom de l’artiste, suivi de celui du graveur. Si l’artiste est également le graveur, un seul nom figure sur la gravure. À l’image des sceaux d’artistes japonais, on atteste l’authenticité des gravures d’Ulukhaktok en y apposant une estampille en forme d’ulu dans le coin inférieur.

Une fois terminées, les estampes sont numérotées afin d’indiquer la taille du tirage, qui ne compte jamais plus de 50 œuvres. À l’issue du tirage, on altère la face d’impression, que ce soit une plaque, une pierre ou un pochoir, afin d’empêcher la production d’autres gravures et de « limiter » le nombre d’œuvres. Les dessins originaux deviennent souvent des objets de collection de grande valeur.

Gravure sur pierre

On utilise du calcaire tendre extrait près de Minto Inlet pour réaliser des gravures sur pierre. Cette technique consiste à tracer sur la pierre une image inversée du dessin choisi. On creuse ensuite la pierre qui entoure le tracé de façon à ce que les zones surélevées représentent l’image sur la surface de la pierre. On enduit ensuite ces parties surélevées d’encre et on recouvre la surface enduite d’une mince feuille de papier. On exerce une pression légère mais ferme à la main sur la feuille de papier au moyen d’un petit disque matelassé. Enfin, on retire la feuille de papier et on la suspend pour la faire sécher. On enduit la surface de pierre d’encre avant chaque nouvelle impression. 

Lithographie

On crée les lithographies à l’huile et à l’eau sur une surface plane. L’artiste dessine directement l’image sur la plaque tendre à l’aide d’un crayon gras. On crée une plaque différente pour chaque couleur. On applique une pellicule d’eau sur la plaque, puis une couche d’encre grasse. Les zones dessinées au crayon gras repoussent l’eau, tandis que l’encre y adhère. On recouvre ensuite la surface de métal ou de pierre d’une feuille de papier. Une presse à imprimer effectue ensuite le transfert des couleurs sur le papier pour créer l’image finale. Il est important que le dessin soit parfaitement identique sur toutes les plaques si l’on souhaite créer une image multicolore.

Pour de plus amples informations, téléchargez cette brochure.